• Atlantide, un destion perdu (suite 1)

    Elle se réveilla. Elle était nue, dans un lit. La pièce qui l'entourait était blanche et verte, sobre mais chaleureuse. Un baquet d'eau chaude et fumante l'attendait au pied de son lit. Ses vêtements avaient été posés sur un tabouret, un peu plus loin. Sur un petit meuble à la tête de son lit avait été déposée d'autres vêtements, ainsi qu'une grande et douce serviette. Elle s'assit. Ses pieds et son dos la faisait souffrir. Elle était toujours épuisée. Se levant en grimaçant, elle se plongea avec délice dans le baquet d'eau. Alors qu'elle se frottait énergiquement avec la serviette pour se sécher, une femme, entièrement vêtue de mauve, dont seuls les yeux bleus et les mains étaient visible, apparut. Elles ne dirent rien ni l'une ni l'autre. Elle lui montra comment s'habiller de la tenue qui avait été déposée à son intention puis partit. Elle se retrouva dans une des tenues les plus étranges qui lui furent jamais portées. Tous ses vêtements, dans un tissus doux comme la soie, était d'un beau vert d'eau, de la même couleur que ses yeux. Elle revêtit une longue jupe fendues des deux côtés, parsemée à la taille de bordures dorées. Une brassière plissée couvrait sa poitrine, parcourue d'une petite frange dorée qui chatouillait agréablement son ventre plat, qui l'était encore plus, à cause du manque qu'elle avait connu assez récemment. Pour parfaire sa tenue, un châle était accroché à ses deux bras par deux bracelets de tissus posés sur ses biceps, décorés encore une fois de légères dorures. La femme revint. Elle la fit asseoir sur son lit, toujours sans échanger un mot, et de ses mains agiles et fraîches, lui fit une demi-queue assez lâche enroulée sur elle même. Elle lui accrocha aux oreilles des boucles, composées de filaments dorés et verts. La tenue, comme tout ce qu'elle portait, semblait avoir été fait exactement à sa taille. Elle ne se posait aucune question. La femme lui prit les mains, lui passa trois bracelets d'or au poignet droit, et seulement deux au gauche. Ils étaient finement ouvragés, mais semblaient de loin être simplement de gros anneaux. La femme, prenant précautionneusement ses pieds, fit glisser à ses fines chevilles de légers bracelets en spirale, serpentant autours de ses mollets. Puis elle partit, en silence.

    Elle restait allongée sur le lit, fixant le plafond sans rien penser. Les jambes légèrement ramenées vers elle, elle attendait. Bercée par le silence environnant, elle s'endormit.

     

    Quand il la revit, il n'en crut pas ses yeux. Elle était plus rayonnante, plus magnifique que jamais, bien que ses traits fussent encore tirés par la fatigue. Il attendait depuis au moins deux jours de la revoir, sans aucunes nouvelles, dans un silence qui n'était troublé que par ses questions toujours restées sans réponses. On lui avait apporté de quoi se laver, s'habiller, manger, sans un mot, on ne l'avait pas regardé dans les yeux, jamais. Des mains avaient parcouru en silence son corps pour le laver, le vêtir d'une tenue étrange, le soigner. Mais aucune parole n'avait été échangée. Loin de trouver ce silence constant angoissant, il le trouvait apaisant.

    Et maintenant il la retrouvait. Elle ne l'avait pas encore vue, elle était assise sur un banc de marbre blanc, adossée à un mur qui l'était tout autant, parcouru d'un lierre vert sombre qui faisait ressortir sa beauté et les couleurs de sa tenue légère. Sa tête posée contre le mur, son délicat menton pointé vers le ciel qu'elle ne voyait pas, elle attendait. Il avança doucement. Il ne se sentait plus ridicule, à présent dans cette tenue étrange dont on l'avait revêtu, toute d'argent, aussi pure que son regard. Il se sentait… transformé. Enfin à la hauteur de celle qu'il avait attendue pendant tant d'années sans jamais se douter qu'elle partageait ses sentiments. Et maintenant, face à elle, dans le silence toujours aussi imperturbable, il se sentait digne d'elle, vêtu d'une tenue aux aspects guerriers, le mettant en valeur, et parfaitement à sa taille. Il s'approcha lentement. Les sandales qu'on lui avait remises, aux semelles molles pour protéger ses pieds, se posaient sans un bruit sur le sol. Elle perçut sa présence, baissa vivement sa tête, avant de se lever lentement, les bras tendus vers lui, puis de parcourir les quelques mètres les séparants pour se jeter dans ses bras. Il referma doucement ses bras autour d'elle. Il senti sa tête se poser au creux de son épaules. Ses longs cheveux châtains leur chatouillaient la taille à tous deux. Une larme coula sur sa joue, silencieusement. Il leur semblait que rien ne devait perturbé ce silence immuable. Elle leva la tête, plantant ses yeux dans les siens. Il essuya doucement d'un doigt la larme qui perlait encore sur sa joue, puis se pencha et l'embrassa.

     

    Il leur semblait que longtemps avait passé avant que quelqu'un arrive. Ils n'avaient pas quitté cette position, bras serrés autour de l'autre, visage si proche qu'un grain de poussière, qui semblaient d'ailleurs absents de ce monde, n'aurait pu passer entre eux. Ils se séparèrent à regret. Il lui prit la main et se positionna derrière elle, sa tête dépassant la sienne. Son menton caressait doucement le haut de sa tête. Des hommes avec des lances, comme ceux qu'ils avaient vu lors de leur apparition, les encerclèrent, avant de les mener, lances toujours pointées, vers la salle où l'étrange cristal rayonnait toujours de sa profonde lumière rouge. Ils sortirent à reculons, les laissant seuls, dans l'immense pièce. Ils se serrèrent la main, cherchant à se rassurer l'un et l'autre.

    Ils attendirent, encore, longtemps, main dans la main, dos à la lourde porte de pierre, les yeux fixés sur le cristal géant qui semblait battre lentement, au rythme de leurs cœurs. Un vieil homme, au bout d'un temps incertains, apparut. Il était vêtu d'une longue tenue azure, dans un de ses tissus étrange. Sa peau, blanche comme de la craie, semblait translucide. Il avait une longue barbe blanche, et son crâne complètement dégarni reflétait légèrement la lueur sourde du cristal, au dessus de lui. Il s'avança lentement, s'appuyant sur un long sceptre sculpté dans ce qui semblait être de la pierre, couleur du ciel mais parcourue de marbrures argentées. Arrivé à quelques mètres d'eux, il s'arrêta. Ils se rapprochèrent légèrement l'un de l'autre, s'entre serrant la main pour se donner du courage, contre ce qui se passerait, quoi que ce fut. Tout ce temps passé s'était écoulé en silence. Les seuls bruits qu'ils avaient perçus avaient été ceux du bâton frappant à coups réguliers le sol. Le vieil homme et les deux adolescents se fixaient, chacun cherchant à analyser l'autre. Analyse qui se révéla infructueuse pour les deux jeunes, toujours aussi perdus, l'esprit vide de toute pensée cohérente. Dans un silence aussi total que celui qu'ils avaient connus loin sous la surface de l'océan, l'homme de mit à parler, d'une voix profonde et grave. Étrangement, ils comprenaient ce qu'il disait.

     

    « Il y avait bien longtemps que je n'avais pas vu le cristal battre. De nos mémoires, il n'avait plus battu depuis des dizaines de milliers d'années. La dernière fois remonte à la bataille que nous avions menés contre les immenses météores s'étant abattus sur ce sol, amenant l’extinction des milliers d'espèce peuplant ce sol, excepté la nôtre, qui, grâce au sacrifice de jeunes couples, permit de le faire battre une dernière fois avant de s'arrêter, nous ayant protégé de nombreuses années attendant la fin d'une pluie galactique ne s'arrêtant pas, visant la destruction du monde. Je ne sais pas pourquoi vous êtes là. Je ne sais pas pourquoi il bat. Cela n'arrive que dans des occasions extrêmement rares. Rien ne nous menace. Je ne sais pas pourquoi vous me comprenez. Je ne sais pas pourquoi vous êtes si différents de nous, et pourtant si semblables. Je ne sais pas comment vous faites pour vous aimer, après des siècles où ce mot n'a plus de sens. Je ne sais comment vous avez fait pour supporter ce silence. Vous n'auriez pas dû. Je ne sais comment vous avez survécu. Je ne sais pourquoi le cristal s'est mit à battre pour vous. Il n'a jamais battu comme cela. Même des milliers d'années en arrière, les traces que nous avons et les souvenirs de nos ancêtres n'ont jamais mentionnés un battement aussi, profond, lourd, silencieux, beau, régulier. Ne vous sentez-vous pas liés à lui ? C'est étrange. Je ne sais non plus pourquoi je suis ici, à vous parler. Je ne sais rien de tout cela.

    La seule chose dont je peux avoir la certitude, c'est que quelque chose va se passer. Je ne sera pas si cette chose sera en bien ou en mal. Je ne sais pas si c'est vous qui, en arrivant, amenez le mal, ou au contraire, si vous vaincrez un mal qui approchera. Je ne sais pas comment cela se fait-ce que vous soyez là. Vous ne devriez pas cela est impossible.

    À présent, vous serez guidé, par moi même, à travers ces lieux où nous vivons. Je vous apprendrais plus plus tard. Méfiez vous. Contrairement à moi, tous ne pensent pas comme moi que vous nous délivrerez d'un mal encore inconnu, la plupart craignent que vous n'ameniez un mal pire que celui qui a ravagé ce sol voilà des générations. Je vous guiderais en ces lieux innombrables et innommables pour certains. Je vous initierais à nos secrets. Peut être ne devrais-je pas, si effectivement vous nous apporterez un mal contre lequel nous ne pourrions pas nous battre, celui-ci venant directement de notre cœur à tous. Cependant, je vous fait confiance. J'ai confiance en mon cœur et en mes intuitions, qui, après des siècles d'existence, ne m'ont presque jamais trompés. J'espère ne pas commettre la dernière erreur de ma vie.

    Maintenant, suivez moi. Je vais vous montrer où vous logerez, vous expliquez nos us et nos coutumes. Restez silencieux. Vous avez su le respecter grandement, jeune fille, et vous un peu moins, jeune homme, mais vos raisons sont entendues. Venez. Laissez moi vous racontez notre histoire. Nous écouterons la votre après. »

    Le vieil homme leur tourna lentement le dos. Il avança, les faisant traverser lentement la pièce gigantesque, passant en dessous du cristal qui lévitait calmement, au rythme de leurs cœurs.

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