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Atlantide, un destin perdu (début)
On l'avait assise à côté des professeurs. Elle avait fait une crise de panique. Elle ne cessait de crier « L'avion va s'écraser ! On va tous mourir ! Je l'ai vu! Croyez moi, je vous en prie ! » L'aller s'était pourtant très bien passé. Elle et sa classe étaient partis quelques jours plus tôt, avait fait un séjour mémorable qui les avait tous marqué, et le jour de l'embarquement, elle était devenue nerveuse, avait crié dans l'avion et même pleurer, voulant l'empêcher de décoller. On l'avait assise entre deux professeurs, donné des calmants et des somnifères dans l'espoir de l'endormir. Lui, à sa droite, il l'observait. Un autre professeur s'était vu contraint d'aller s'asseoir à sa place, quelques rangées derrière, pour séparer et calmer deux élèves qui se disputaient. Il voyait bien que, même endormie, elle n'était pas tranquille. Sa tête se secouait parfois énergiquement de droite à gauche, et elle murmurait des choses dans son sommeil. Ses sourcils se fronçaient de temps en temps. Mais rien de ce qu'elle n'avait cessé de répéter ne semblait arriver. L'avion volait en ligne droite, calmement, aussi d'une mer plate plusieurs kilomètres en dessous. Sa tête s'était posée sur son épaule, et il n'osait bouger de peur de la réveiller. Ses cris c'étaient entendus dans tout l'avion, et elle, d'habitude si calme et si joyeuse, faisait peine à voir d'être aussi terrorisée pour rien. Elle avait très souvent pris l'avion auparavant.
Tout d'un coup, elle ouvrit brusquement les yeux. Le regard fixe, elle se redressa sur son siège, et l'avion connu un violent soubresaut, un choc qui fit jeter hors de leur sièges ceux qui ne s'étaient pas attachés, et la tête de quelques passagers rencontra douloureusement le dossier en face d'eux. Elle se remit à crier. Tant bien que mal, il essaya de la calmer, sans succès.
« Tu ne le vois donc pas ? Je l'ai vu, j'en ai rêvé, on va se crasher dans la mer ! Écoutez moi!vous en voyez donc rien ? » L'avion continuait de ballotter en tous sens. Un message du pilote sonna dans les hauts parleurs, demandant aux passagers de bien accrocher leur ceinture et de rester calme, il ne traversaient qu'une zone de turbulence. La jeune fille, soudainement calme, se plaqua à son siège. Son visage était livide. Un choc plus violent encore que les autres les propulsa vers le hublot. Ils crurent percevoir un éclair dans le ciel, pourtant parfaitement bleu et blanc de quelques légers nuages quelques instants avant. L'avion tangua, se penchant dangereusement d'un côté. Le pilote ordonna de mettre les gilets de sauvetage, en l'attente d'un éventuel amerrissage forcé. « Vous ne voyez donc toujours pas ? Regardez, regardez non de non, l'aile est brisée !! » L'avion était penché mais il ne distinguait pas d'aile brisée en regardant par la petite fenêtre. « Les passagers sont priés de rester calme. Nous sommes dans une zone de turbulence, rien de grave ne peut arriver ». Le haut parleur qui débitait sans cesse des paroles demandant le calme la faisait crier de plus en plus. Certains élèves, vaincus par ses cris, commençaient à perdre confiance. Brusquement, elle fixa son voisin, silencieusement, décrocha sa ceinture toute allure puis se jeta sur lui en criant « Attention ! ». Quelque chose qu'il n'identifia pas venait de percer le hublot. Cette fois ci, elle ne rêvait pas, l'avion était vraiment en train de foncer vers la mer, qui se rapprochait dangereusement d'eux. Le temps était toujours d'un bleu limpide, le pilote ne comprenait plus rien.
Puis ce fut le choc. Ceux qui avaient pu détacher leur ceinture et mettre leur gilet réussir pour certains à remonter à la surface, tant bien que mal. Une grande partie finirent coincer dans l'avion, ne pouvant remonter, respirant quelques instants les poches d'air qui étaient toujours à l'intérieur de l'avion, qui n'avait pas encore finit de couler. Les hôtesses, les pilotes et ses adjoints avaient pour la plupart réussi à s'en sortit, et avait difficilement mis à l'eau des canots pour récupérer les passagers, survivants ou non, faisant leur possible à sauver ceux qui pouvaient l'être.
Ce fut son tour de paniquer. Elle l'avait sauvé d'un éclat de l'appareil juste avant sa chute, elle lui tenait à présent la main pour l'empêcher de couler. Il ne savait pas nager, seul son gilet le maintenait à la surface. Un bras accroché à lui, elle nageait tant bien que mal vers le canot le plus proche. Les passagers rescapés pour le moment lui criait de se dépêcher et lui tendait les bras, bien qu'elle soit encore à plusieurs mètres. Puis il y eu un second éclair, venu de nulle part, comme celui qui était apparu au début des turbulences.
Tout disparu autours d'elle et de lui.
Ils disparurent à la vue des naufragés, qui pensèrent qu'ils avaient été happés par une vague, bien qu'ils n'y en ai pas énormément, celle ci uniquement dues à l'avion qui coulait, s'enfonçait toujours plus dans l'eau, lentement mais sûrement, emportant avec lui plusieurs élèves et d'autres passagers.
Désorientée, elle le lâcha, regardant partout autours d'elle. De colère, de peur et de tristesse elle hurlait au vide. « Vous voyez ! Vous m'auriez écoutée, rien de tout ça ne serait arrivé ! » Des larmes coulaient à flot sur ses joues, minuscules gouttelettes salées allant se perdre dans l'immensité de la mer. Elle repris la main de son compagnon d'infortune, nageant droit devant elle, tant bien que mal, à la force de ses deux jambes et d'un seul bras. Elle nageait autant qu'elle pouvait. Son état de fatigue empirait, mais que pouvait-elle faire d'autre ? Il avait fini par comprendre le mouvement, et la suivait comme il pouvait, encombré de son sac à dos qu'il n'avait pas voulu abandonner. Ils avaient tous deux laisser leurs chaussures aller à la dérive, celles ci les encombrants et limitant leurs mouvement. Ils nageait droit devant eux, si tant est que les courants ne les faisaient pas dévier. Ils nageait, vers quoi ? Il n'y avait que la mer, bleue, profonde, immense à parte de vue autours d'eux. Épuisés, ils se laissaient de temps en temps dériver. Ils se tiraient à tour de rôle. Ils nageaient sans but, dans le fol espoir de trouver un bateau, une terre, juste un rocher au dessus de l'eau pour se reposer. Ils n'osaient pas regarder dans l'eau les animaux qu'ils croisaient. Ils n'osaient pas imaginer ce qu'ils feraient s'ils tombaient sur un banc de méduses, des requins, des poissons étranges, autres choses. Cela semblait faire des heure qu'ils nageait au milieu de nulle part. Ils ne savaient pas où ils étaient au moment du crash, ils le savaient encore moins maintenant, après avoir brusquement disparu sans raisons de leurs camarades, professeurs, et inconnus qui étaient avec eux dans l'avion. Elle était terrorisée. Pourquoi avait-elle rêvé de cela ? Pourquoi avaient ils tous les deux été amenés ici, dans cet océan coupé du reste du monde, sans aucun endroit où poser leurs pieds, allonger leurs jambes courbaturées, reposer leurs corps épuisés ?
La nuit commençait à tomber quand, portés par le courant, ils atterrirent sur un îlot de sable minuscule. Le ciel était magnifique, mais ils n'en avaient cure. Leur île sauveteuse faisait tout au tout cinq mètres sur cinq, pas plus, et était effleurée par l'eau de tous côtés, si bien qu'ils se demandaient ce qu'ils feraient quand la marée, si tant est qu'il y en est une aussi loin au milieu de l'océan, arriverait. Il y avait bien ce rocher, vers le milieu du banc de sable. Il était haut d'au moins deux mètres au dessus d'eux. Il était d'un noir profond. Il n'y avait, étrangement, aucune algue, aucun coquillage, pas le moindre petit grain de quoi que ce soit dessus. Mais ils étaient bien trop éreintés pour s'en rendre compte. Après des heures de nage, coûte que coûte, ils s'étaient allongés sur le sable mouillé de leur îlot, et avait sombré chacun dans un sommeil très léger, se réveillant à chaque vaguelette leur chatouillant les pieds, à chaque mouvement qu'ils faisaient, à chaque petite brise leur caressant la joue. Au bout de quelques heures de ce sommeil qui ne les avait pas reposés le moins du monde, ils s'assirent l'un à côté de l'autre, se réchauffant un peu mutuellement sous le ciel d'un noir d'encre, sans lune, mais constellés de milliers de petites étoiles au loin, qui chauffait un autre monde, tellement éloignés du leur. Elles guidaient quelque part ailleurs sur cette immensité aquatique des marins d'un autre monde, des avions perdus dans le ciel, des mouettes cherchant la terre, des oiseaux migrateurs volant vers d'autres cieux. Côte à côté, ils ouvrirent son sac. Miraculeusement, il contenait, dans un petite boîte hermétique, quelques biscuits, des écouteurs et un ancien mp3. Ils grignotèrent lentement, du bout des lèvres, le peu de nourriture qui leur était accordé, et, frigorifiés et persuadés de mourir bientôt, ils écoutèrent, un écouteurs chacun, la seule chose qui les rattachait encore au monde qui leur paraissait réel, de la musique, jusqu'à que le petit appareil n'ai plus aucune batterie, qu'il avait déjà bien faible avant. L'eau commençait à monter. Ils se levèrent, elle s'enroulait autours de leurs chevilles, caressant leurs genoux, atteignant leur taille. Ils furent contraints d'escalader, tant bien que mal, cet étrange rocher, aux arêtes multiples acérées qui perçaient leurs pieds, répandant leur sang tout du long, leurs blessures rendues brûlantes par le sel de la mer.
Ils étaient en haut. Ils ne pouvaient plus rien faire. Le niveau continuait de monter, semblait vouloir recouvrir d'eau le monde entier. Le sac à dos accroché à leurs jambes, l'eau au niveau de leurs épaules, il la fixa dans les yeux.
« Merci. Je suis désolé d'être ici » Il voyait ses yeux qui se perlaient de larmes délicates, du peu d'eau qu'il restait dans son corps. L'eau leur arrivait au menton. « Avant que nous ne mourrions noyés… je voudrais juste te dire quelque chose… » Il crachota l'eau qui lui était entrée dans la bouche. Il voyait dans ses yeux le reflet des étoiles du ciel, mais aussi d'autres qui étaient apparues, uniquement dans ses beaux yeux verts. Deux étoiles, une dans chaque œil, de résignation à la mort, et deux autres, faibles, qui perçaient à peine à travers le désespoir, de petites étoiles, minuscules, de bonheur. Il ne finit pas sa phrase, et passa ses bras autours d'elle, passant ses bras autours de lui, lui prit la tête et l'embrassa paisiblement en fermant les yeux, lui rendant son baiser, les lèvres scellées pour toujours, faisant maintenant fi de l'eau qui leurs arrivait au dessus de la tête. Ils étaient liés dans une étreinte qu'ils n'avaient pas pu prévoir, mais qu'ils espéraient secrètement chacun de leur côté depuis longtemps. L'eau, bien au dessus de leurs têtes, empêchait la faible lueur des étoiles de passer, et ils restaient là, immobile, les yeux fermés, de l'eau des les poumons se serrant l'un à l'autre pour ce qu'ils pensaient être les derniers instants de leur vie.
Il leur semblait que c'était la seule chose à faire, s'embrasser pour l'éternité, défier une dernière fois l'immensité d'eau qui serait leur tombeau.
Ils ne purent le voir. La lune était apparue dans le ciel, plus blanche et plus ronde que jamais. Leur sang, qui c'était déposé sur la roche, brillait de sa belle couleur rouge au milieu du noir de l'océan. Ils ne voyaient rien, ils ne respiraient plus. Ils ne pensaient plus, ils étaient juste là, au milieu de la mer immense, attendant et attendus par la mort. Ils ne ressentaient plus rien, ni chaleur, ni froideur, ni la douleur sous leurs pieds, pas plus que les petits serpentins bleus pâles lumineux qui s'enroulaient lentement autours de leurs chevilles. Du bas du rocher, de légers motifs couleur azurs avaient fait leur apparition, montant lentement vers la pointe de la roche, rendant à leurs sangs mêlés sa couleur rouge, se diluant en spirales autours d'eux. La lumière bleue parcouraient leurs corps liés dans une étreinte infinie, passant sous leurs doigts, sous leurs peau, dessinant des arabesques dans sa chevelure, rendant son tatouage à l'épaule luisant. Si quelqu'un avait été là, il aurait vu au milieu de la noirceur profonde de la mer deux adolescents lumineux de la couleur du ciel, entourés de serpentins rouge sang dansant autours d'eau. Les filaments lumineux bleus continuaient de monter sur leurs corps. Ils atteignirent le cœur, faisant naître un violet profond, qui, faible au début, sembla se mettre à battre lentement. Ils atteignirent leurs menton collés, montèrent, et arrivèrent simultanément aux coins de leurs yeux, les ouvrants. Ses yeux brillèrent d'un vert émeraude profond, faces aux siens, d'un argent des plus pur. Quatre rayons lumineux qui traversèrent l'obscurité des fonds marins. Ils se fixèrent, vide de toutes émotions, les lèvres toujours liées.
Puis tout devint noir. Autours d'eux comme à ce qu'ils voyaient. Il n'y avait plus rien.
Peut être la mort les avait-elle enfin appelés à elle.
Le cristal, énorme, brillait d'un rouge profond. Il semblait battre lentement. Un cercle d'homme se tenait autour de lui, des lances pointées vers son centre. Il eut un éclat plus violent, les forçant à se protéger les yeux, et en dessous de lui, apparurent dans un rayon de lumière deux adolescents s'embrassant, qui se retournèrent immédiatement, dos à dos, se préparant face à un nouveau périple que la vie semblait vouloir leur accorder, la mort ne voulant pas d'eux. Ils ne gardèrent cette position, dos contre dos, genoux légèrement pliés, leurs yeux luisants encore faiblement dans le clair obscur du cristal, fixant en chien de faïence les lances pointées sur eux, que quelques instants, avant de s'écrouler par terre pour de bon, assomés par ce qu'ils venaient de vivre, tout et rien.
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