• Thibault Prince des Eaux

     

    Depuis qu'il savait parler et marcher, le fils des Peyrault passait ses soirs à côté de l'étang dans la forêt derrière chez lui. Il avait maintenant presque quinze ans, et continuait ce petit rituel tous les soirs où le temps et ses parents le lui permettait. On ne savait pas vraiment ce qu'il y faisait, ni pourquoi il y allait, et personne ne l'avait jamais suivit. Il ne parlait pas aux gens de ses sorties nocturnes, et ils ne le lui demandaient jamais. Il partait généralement un peu avant que la première étoile apparaisse dans le ciel, et rentait au plus tard quand la lune était haute.

    Il avait donc maintenant quinze ans, et commençais enfin à s'intéresser au monde qui l'entourait. Chaque jour, il découvrait un peu plus les filles, le travail, l'argent ou le manque d'argent, le jour et la nuit, les gens, même ma faim parfois. Il n'était pas idiot, loin de là. Il avait juste été, petit, d'une certaine manière, écarté du monde qui l'entourait. Quand il rêvait de lutins et de fées, tout jeune garçon, ses parents ne l'écoutaient pas, se signant parfois quand il évoquait de trop près involontairement le Malin. Ils l'envoyaient par exemple chercher de l'eau où trier les légumes. Il avait donc cessé d'écouter le monde, vu que celui-ci ne l'écoutait pas.

    Et il aurait dû…

    Et dans son entrée dans l'adolescence, dans son entrée dans un âge et un monde nouveau, plein de sensations, d'émotions inconnues, il vivait une renaissance. Le monde lui apparaissait comme neuf. Et ce monde qui l'entourait, il était intrigué par ce feu follet de jeune homme qui courait à travers la ville porter les courriers, messages et colis des gens, parfois en chantant des chansons populaires, ou d'autre de son invention. Il vivait à présent en partie de cela, des messages qu'il portait aux gens de sa ville. Courir à longueur de journée sous le chaud soleil de juin lui valait une belle peau dorée par le soleil, et des muscles luisant sur le corps. Les jeunes filles qui cousaient, dans la boutique où il avait pour habitude d'apporter des commandes, parlait de plus en plus de lui. Avec où sans parti, et même si leurs parents le leur interdisait, cela étant indécent pour une jeune fille de leur âge, c'était toujours agréable de bavarder sur le joli garçon aux cheveux noirs en bataille et au yeux verts-bleus d'eau qui passait les voir tous les jours ou presque. Elles n'étaient pas réellement intéressées malgré tout, et, bien qu'aucune ne soit de nobles naissances, les jeunes bourgeoises étaient pour certaines déjà fiancées, parfois à un vieil homme de plusieurs fois leur âge, et parfois avec leur amour quand elle le trouvait.

    Une seule se taisait en reprisant. Elle restait assise sur son tabouret, le dos droit, concentrée sur son travail ou les yeux dans le vague en regardant dehors. Pendant que ses compagnes jacassaient, elle rêvait, elle aussi, du prince charmant ; mais contrairement à elles, elle savait qu'il existait. Il s'appelait Thibault et elle voyait tous les soirs sa tignasse noire ébouriffée disparaître dans la forêt, se demandant ce qu'il pouvait y faire. Y rencontrait-il une autre ? Cette idée l'emplissait de tristesse.

    C'est pourquoi un soir, malgré la mystérieuse impression que la forêt voulait l'empêcher d'entrer et de le suivre, elle y pénétra…

     

    **

     

    Assis sur l'eau du lac, il attendait. Les étoiles et la lune braillaient loin au dessus de sa tête, cette dernière entièrement ronde, emplissant le ciel de lumière, et presque à son zénith. Il était assis en tailleur, ou plutôt en lotus, les yeux fermés, et les mains sur le genoux, le visage tourné vers l'astre luisant. C'était une vision irréelle. La lumière blafarde encadrait son visage, et la lumière des étoiles jouait dans ses cheveux brillants. Des lucioles voletaient autours de lui, complétant le charme et l'impression de magie. Au bout de quelques temps, l'une d'elle s'approcha, timidement on eut dit, et avança jusqu'à toucher son nez. À cet instant, elle explosa en mille gouttelettes scintillantes, et une jeune fille à la peau bleue pâle dans la lumière nocturne et aux ailes de libellules apparut. Il se leva et marcha sur l'eau, allant à sa rencontre. Les cigales du soir d'été avait arrêté de chanter.

    « Pourquoi as-tu mis tant de temps à apparaître ?, lui demanda-t-il.

    - Mes sœurs et moi avions senti une présence, un présence humaine rôdant dans les parages. Tu sais bien qu'aucun être de cette race ne doit connaître notre existence.

    - N'en suis-je pas un, moi, d'humain ?, répondit-il, avec un petit sourire en coin. » Elle le fixa dans les yeux quelques instants avant de répondre, mystérieusement et d'une voix étouffée : « Il est temps. Viens. Cela fait trop longtemps que j'aurais dû te le dire… »

    Elle mit ses mains sur les tempes du garçon, ferma les yeux et baissa légèrement la tête, concentrée, puis l'embrasse, d'abords sur le front, puis sur le nez, et enfin sur la bouche, tout en murmurant des mots étranges. Elle rouvrit les yeux, et des ailes semblables aux siennes apparurent sur le dos du jeune homme. Elle lui prit les mains et lui jeta un regard appuyé, avant de garder une seule de ses mains et de s'envoler vers la lune, l'emmenant à sa suite.

    Ils ne virent ni l'un ni l'autre les lucioles restantes s'éparpiller dans l'air peu après, au moment où une onde parcourait l'étang. Ils ne surent donc pas que cette onde était due à une larme salée tombée dans l'eau.

     

    Les lucioles ne revinrent plus.

    Avant longtemps.

     

    **

     

    L'homme qui était dehors dans la rue en train d'allumer les lanternes se retrouva brusquement par terre, se demandant qui était la jeune fille en pleurs qui l'avait bousculé. Il avait juste eut le temps de voir une silhouette féminine qui jaillissait de la forêt avant d'atterrir par terre, entendant des sanglots diminuant au fur et à mesure qu'elle s'enfonçait dans la ville et ses ruelles encore plongées dans le noir. Il aurait au moins une bonne histoire à raconter le lendemain, comme quoi le fantôme d'une femme en pleurs hantait la forêt, ou quelque chose d'autre de ce goût là.

    Malheureusement pour lui, ce fut une autre histoire que la sienne qui se répandit dans les rues le lendemain. Les gens chuchotaient ente eux que Thibault, le fils des boulangers, était un sorcier et travaillait avec les créatures du Diable pendant la nuit. On le montrait du doigt, et certaines personnes un peu trop superstitieuses se signaient quand il approchait, et refusaient parfois de lui laissait porter ses messages et faire son travail habituel. Énervé par leur comportement à son égard et en ignorant la teneur, il essaya de remonter à la source de cette rumeur ou méchante farce.

    Il fut très étonné de découvrir que celui-ci était en fait celle-ci, une jeune fille assez timide qu'il avait toujours trouvée très jolie et attirante. Elle était assise sous une échoppe fermée, les genoux sous le menton, les yeux plein de larmes de tristesse et de rage.

    Quand il lui demanda la raison de ceci, ses paroles furent assez confuses. Le baiser échangé était resté gravé dans sa mémoire, lui faisant oublier jusqu'au souvenir de Thibault assis sur l'eau.

     

    « Il n'y a que ça que tu voulais ? Juste un baiser ? »

     

    Alors il se pencha vers elle, et, avec une douceur et une tendresse infinies, lui, le garçon qui ne savait rien à la vie, il l'embrassa. Ses lèvres étaient aussi légères que des ailes de papillon, et son baiser reflétait ses sentiments aussi clairement qu'une eau de source. Il était à la fois volatile et profond. Et celle de l'autre côté de ces lèves, elle reçut enfin le baiser dont elle rêvait depuis tant d'années. Et ce baiser lui ouvrit les yeux. Il lui permit de ne plus voir Thibault Peyrault, le fils des modestes boulangers du village, mais elle vit un Thibault Prince des Eaux, un Thibault conquérant.

    Et en voyant son ami de cette manière, la peau pâle et bleutée, les oreilles légèrement pointues, les traits fins - presque efféminés, avec une splendide paire d'ailes transparentes et miroitants dans la lumière du coucher de soleil, elle sut.

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 26 Avril 2014 à 10:28

    Haa franchement quand t'es malade t'écris des histoires toi e.e mais quelle... volonté xD sinon c'est sympa et non comme je suis une sage petite fille je me fouttrai pas de ta goule :B

    2
    Samedi 26 Avril 2014 à 11:45

    bon…………

    xDD

    ah merci c'est gentil de la préserver encore un peu ma 'tite gueule elle t'en ai reconnaissante :P x)

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